Tu es né en Russie, petit dernier d'une famille de sept enfants, seul garçon de la fratrie, tu as grandis choyé, protégé par tous, tu étais celui à qui on offrait tout, à qui on cédait tout, il te suffisait de demander et immédiatement on s'exécutait, étrangement pourtant et contrairement à ce qu'on aurait pu imaginer tu n'es pas devenu pour autant ce cliché de l'enfant trop gâté, capricieux, se roulant par terre en hurlant dans les magasins, à l'inverse tu étais plutôt un enfant calme, sage, toujours plongé dans les Disney que tu regardais constamment accroché aux peluches que tes sœurs t'offraient, et quand tu ne t'évadais pas dans l'univers de Disney c'était pour mieux observer tes aînées se maquiller, tu te rappelles t'être faufilé dans leur chambre un nombre incalculable de fois, à un âge où tu ne savais qu'à peine marcher, presque pas parler, juste pour regarder, complètement hypnotisé, par leurs gestes minutieux sous lesquels elles se transformaient, ce que toi, enfant, tu interprétais comme une forme de magie qui te fascinait, tu avais à peine trois ans quand lassées mais amusées de te voir constamment dans leurs jambes elles ont commencé à t'apprendre, à te laisser expérimenter, te laissant continuer de vivre ton propre petit conte de fée.
Mais, tu avais oublié que chaque conte de fée en dehors de la princesse avait pour point commun le méchant, celui qui essaie de tout faire s'effondrer et tu aurais dû te méfier, tout a basculé lors de ta première rentrée, ou tout du moins c'est à cet instant que les choses ont commencé à vaciller, s'effriter lentement, si au tout début ton manque d'intérêt pour les activités codées masculines par la société, le vernis pailleté qui ornait tes doigts de temps à autre n'attiraient pas plus l'attention que ça, arrivé à un certain âge les regards sur toi ont changés et la violence a fait son apparition, psychologique d'abord, des moqueries des réflexions, des messes basses, murmures qui t'accompagnaient partout mais auxquels tu ne réagissais pas, parfaitement à l'aise avec toi même, avec ta personnalité, physique ensuite quand ton manque d'intérêt flagrant pour les provocations a commencé à énerver, à exaspérer, les bousculades, les coups, une escalade de violence sans fin, un cycle infernal des agressions, une situation qui devenait insupportable, incontrôlable, à laquelle tu répondais, des coups que tu retournais, des bagarres que tu déclenchais contre ta volonté, et puis une convocation chez le proviseur qui y a mis un point final, un terme définitif, tu le savais déjà que ce serait eux ou toi, tu n'imaginais juste pas que ce ne serait pas toi, à 15 ans tu te retrouvais renvoyé, déscolarisé et avec une colère en toi qui demeurait, une révolte contre l'injustice, contre l'inacceptable et l'intolérable, la victime qui se retrouvait condamnée et les agresseurs toujours en liberté.
A cet instant précis tu aurais pu mal tourner, à cet instant très précis tu aurais pu dériver, déraper, emprunter la voie de la délinquance, la voie des addictions, tu aurais pu te noyer, mettre ta santé en danger mais parce que tu étais toi, parce que tu avais cette personnalité qui te poussait à utiliser le négatif comme moteur pour mieux t'en sortir, tu as utilisé ta colère, ta révolte pour développer encore plus tes passions, de simple passion pour le maquillage, tu t'es découvert une réelle sensibilité artistique, une sensibilité qui touchait l'ensemble des arts en rapport avec le corps, la coiffure, les tatouages, le dessin, tu t'y réfugiais constamment, de plus en plus souvent pour oublier et tous devaient bien constater que tu devenais extrêmement doué.
Ce fut une de tes grandes sœurs qui t'a parlé de la Disney Academy en premier, et même si ton premier réflexe a été de te moquer, de rejeter complètement cette idée, parce que votre famille n'était pas assez riche pour ça, parce qu'obtenir un visa pour les USA en étant Russe était plus que compliqué, parce que tu ne parlais pas anglais, pour mille et une raisons que tu lui as balancé, tu as gardé cette idée dans un coin de ta tête et tu as fini par en reparler alors qu'à ta grande surprise toute ta famille acceptait de t'aider, de te soutenir à condition que tu fasses l'effort de poursuivre tes études à domicile, d'apprendre l'anglais et d'améliorer tes talents en attendant tes 18 ans. Ce que tu as fait, empochant ton diplôme avec mention à l'âge de 19 ans, et t'envolant la semaine suivante sans un regard en arrière, heureusement pour toi l'inconnu ne t'avait jamais effrayé, en revanche les souvenirs de ton passé eux te poursuivaient, te collaient à la peau, à ton entrée à l'académie tu étais plus que méfiant, sur tes gardes, attendant presque inconsciemment que la violence reprenne son cours mais tu as vite réalisé que les coups pour lesquels tu te préparais n'arrivaient pas, que tu étais à ta place ici, que plus personne n'allait se moquer de toi et cette réalisation t'a libéré d'un coup, de renfermé, introverti, invisible presque aux yeux des autres, tu es devenu extraverti, audacieux, tu n'avais plus peur de rien, ni de personne, comme si chacune de tes limite, de tes barrières s'étaient effondrées, tu sortais, tu laissais libre cours à ta création, commençant à te couvrir la peau de tatouages à ce moment là et comme tes sœurs, tes parents payaient tout pour toi, tu n'avais pas besoin de travailler, tout le temps de profiter, découvrir, voyager, t'amuser, tu étais un enfant, un gamin à qui on venait d'offrir, d'ouvrir le monde entier et qui se laissait emporter, oubliant simplement que derrière chaque ascension se cachait une chute, que plus haut tu monterais, plus dur serait l’atterrissage. Pour toi il s'est présenté sous la forme d'une sonnerie de téléphone durant ta troisième année, alors que tu n'avais que 21 ans, une de tes nombreuses relations d'une nuit te contactait pour t'annoncer qu'elle était enceinte, de toi et qu'elle voulait garder l'enfant, c'était sans appel, clair, net, précis, comme une baffe en plein visage. Etre père, ça ne t'avait jamais effleuré l'esprit, tu n'étais encore qu'un gosse à tes yeux, à peine capable de t'occuper de toi-même, incapable d'assumer une telle responsabilité, alors tu lui as dit très honnêtement, très franchement, que tu respectais son choix, que c'était son corps et que tu n'avais pas de droit dessus, que tu voulais bien reconnaître l'enfant, participer financièrement mais que les choses s'arrêtaient là pour toi, et elle a accepté sans tenter de négocier.
Ta fille est née le 14 août de cette même année, Tasha, parce qu'elle insistait pour que tu lui choisisses un prénom russe, tu l'as vue une seule fois, l'a déclarée et c'est tout, presque oubliée, tu donnais de l'argent tous les mois, ça s'arrêtait là, tu avais commencé à travailler à Disneyland comme coiffeur-maquilleur peu de temps après, tu n'avais ni le temps, ni l'envie de te concentrer sur quoique ce soit d'autre que sur la consécration du rêve de toute une vie.
Les choses auraient pu continuer ainsi longtemps, tu aurais pu être un de ces pères absents, mais il y a eu un autre appel deux ans plus tard, il y a un mois, la première fois que tu entendais sa voix depuis le jour de son accouchement, l'espace d'un instant tu as eu peur que quelque chose de grave soit arrivé à Tasha, surtout en entendant les tremblements dans sa voix mais tu as vite compris que c'était tout autre chose, elle a commencé à te confier la difficulté de la maternité, ses regrets, celui d'avoir gardé ce bébé, votre bébé, tu l'as entendu te confier qu'elle pensait que ça l'aiderait, qu'elle avait sous estimé le poids des difficultés et puis les mots, le verdict que tu redoutais, elle voulait s'en débarrasser, pour pouvoir vivre, partir, découvrir le monde sans un boulet accroché aux pieds, elle voulait renoncer à ses droits parentaux, soit tu élevais cet enfant, soit tu renonçais aussi, vous l'abandonniez.
Si la première chute t'avait parue violente, la seconde fut pire, muet, comme assommé, au pieds du mur tu as dû réfléchir à une vitesse folle, rassembler tes pensées mais tu n'as pas pu t'y résoudre, à l'abandon, tu n'as pas pu te résoudre à la laisser souffrir des mauvais choix de deux enfants alors tu as accepté de l'élever, tu as pris deux semaines de congés, le temps d'aménager ton appartement, d'aller chercher Tasha et  d'apprendre à être père. Même si tu le comprends à présent, être père ne s'apprend pas, il n'y a pas de manuel, pas de guide, pas de consigne ou de marche à suivre, avec elle tu arrives à faire semblant, à faire de ton mieux la plupart du temps mais en vérité tu es angoissé en permanence, quand tu la regardes endormie à côté de toi, quand elle tend les bras vers toi, t'appelles papa, quand tu la regardes jouer, se déguiser en princesse Disney, tu ne peux pas t'empêcher de paniquer, de te sentir enfermé, de réaliser qu'elle est ta fille, ton enfant, que c'est pour la vie, que tu n'as pas le choix, qu'elle a besoin de toi qu'importe le fait que tu ne te sentes pas prêt pour ça.

- Eli est une personne très optimiste, très énergique, une vraie dose de bonne humeur au quotidien, toujours le sourire aux lèvres, quelque chose à raconter, une sociabilité à toute épreuve - C'est aussi un artiste qui n'a aucune limite à l'expression de sa créativité, si en Russie il se retenait encore, les USA l'ont complètement libéré, il n'a pas peur du regard des autres, rien qui le retient ou le bride, il fait exactement ce qu'il veut, comme il veut et quand il veut - Son défaut majeur reste toutefois sa fierté, il a d'énormes difficultés à accepter de l'aide, une main tendue vers lui et encore plus à en demander de lui-même,ayant plus tendance à rester silencieux sur ses problèmes ou à les dédramatiser - Pourtant en ce moment il aurait bien besoin d'aide, ou d'une personne à qui parler, depuis qu'on lui a confié Tasha son anxiété frôle l'ingérable, il se contrôle lorsqu'il est avec elle mais il n'est pas rare qu'il fasse des crises d'angoisse une fois sa fille endormie ou déposée chez la nourrice même s'il le cache du mieux qu'il peut - Il est très mauvais en cuisine, une véritable catastrophe ambulante, son seul talent consiste à acheter des plats préparés ou commander des pizza - Il a une passion pour le vintage, c'est typiquement le genre de personne qui peut passer des heures dans des brocantes, des friperies pour chercher à dénicher la pièce de ses rêves, le genre de personne qui a troqué les CD contre les vinyles et les appareil photos numériques contre les anciens polaroid - Même s'il vit aux USA depuis ses 19 ans son accent russe ne s'est jamais effacé et est encore plus que marqué, impossible de ne pas l'entendre - Ses tatouages n'ont pas tous une histoire extrêmement profonde, parfois il les a simplement fait pour la performance artistique - Depuis ses 19 ans il n'a pas cessé de voyager, aux Etats-Unis mais aussi en Europe, il a bien fait finalement puisqu'il ne risque plus de le faire avant un moment maintenant qu'il élève seul une enfant de deux ans

C'est encore moi