C'est parti pour l'aventure

" - On va boire un verre ? "
" - Tu veux pas plutôt aller en boire six chacun ?"

Une énième journée qui se termine. La nuit est déjà présente depuis une ou deux heures. Le travail terminé. Pas de cours ce soir, seulement de l’écriture et de la correction de copies. L’heure pointe alors je range mon bureau. Je murmure une légère mélodie. Je sais quelle est la place de chaque objet dont je m’empare, je range sans trop me presser. Il est 18h00 tout pile. Je dois retrouver Joe au pub d’Anaheim à 18h30. Je possède le temps dont j’ai besoin, inutile de courir.
Mon aire de travail en ordre, mes affaires dans mon sac, je quitte la pièce et faisant bien attention à fermer à clé. Je suis la dernière ce soir. Tant mieux. Manteau sur le dos, je sors des bureaux et m’éloigne jusqu’à rejoindre ma voiture. J’affiche un léger sourire, laisse mes cheveux virevolter légèrement au rythme de la brise glaciale hivernale. L’obscurité dissimule mes cernes, cet air fatigué qui me hante. Mon mince maquillage a coulé durant la journée, elles ne sont plus vraiment camouflées. Il faudra que je songe à me procurer l’un de ses fixateurs miracles dont on entend souvent parler.

* * *

Le Scottish Pub d’Anaheim est de loin mon préféré. C’est là que je viens souvent quand l’envie me prend. Les serveurs me connaissent bien, savent ce que j’ai l’habitude de prendre. J’apprécie beaucoup leur bière, mais ces derniers temps je ne jure que par leur scotch. Et inutile de préciser qu’il m’est déjà arrivé de rentrer à la maison complètement déchirée.
J’entre dans le Pub. Mes joues sont rapidement assaillies par la chaleur qui y règne. Je me dirige au bar. Je suis en avance, Joe n’est pas encore arrivé. J’en profite pour consulter mon portable. Plusieurs messages, plusieurs notifications de réseaux sociaux, quelques mails. Je soupire. Peu importe où l’on va après le travail, on pense mettre ce dernier de côté et pourtant lui il ne nous lâche pas. Je passe rapidement les mails. Je regarderais les notifications à la maison. Je ne vais pas voir les messages. Je les regarderais plus tard. Pas ici. Je ne range pas mon portable. J’hésite. Et si c’était seulement Joe, ou bien Jim ? Mes ongles tapotent nerveusement le comptoir. La boule au ventre, finalement, je regarde : Jim. Papy. C’est tout. La pression se relâche, je souris légèrement. Je commence à répondre.

« Bonsoir, qu’est-ce que je vous sers Oprah ? Vous êtes accompagnée cette fois ? »

Le serveur capte mon attention derrière le bar. Il a la cinquantaine, c’est l’un des plus vieux employés. On se connait assez bien, depuis le temps que je viens. Je lui souris gentiment.

« Bingo, je ne suis pas seule. Je vais vous prendre deux scotchs, s’il vous plait. »

« Deux scotchs, très bien. »

Je ne suis pas raisonnable. Et je n’en ai strictement rien à faire. J’observe la porte d’entrée tandis que le serveur pose les deux verres en face de moi. Je le remercie distraitement, avant d’enfin voir la silhouette de mon ami apparaître à la porte. Je lui fais signe, il me rejoint.

« Salut toi, » dis-je une fois qu’il est à ma hauteur. « Comment tu vas ? »

Je le laisse s’installer à mes côtés. On a l’habitude de rester au bar quand on vient boire un coup ici.

« C’est moi qui offre ce soir, qu’est-ce que tu prends ? » Lui annonce-je en souriant un peu plus.

black pumpkin

“ On va boire un verre ?

Joe et Oprah

Après un court séjour à l'hôpital, faute d'un cœur vieillissant et d'un abus de cholestérols ou quelque chose du genre, Joe se voyait comme puni. Son infarctus prit à temps lui avait évité bien des soucis, mais avait bien trop inquiété son entourage. Maintenant, il avait droit à du repos forcé. A l'académie, ses heures étaient calculées à la seconde près par Rob qui le mettait dehors à la moindre occasion pour qu'il se repose. Teri s'occupait de tout entre eux pour qu'il n'ait pas à lever le petit doigt, tendis que Romy et Rosy géraient la maison. En fait maintenant, il s'ennuyait, à mourir. Bouffant des téléfilms de Noël à toutes les sauces, tous les après-midi pour s'occuper l'esprit. Si bien que quand enfin une âme charitable l’appelait pour autre chose que s'assoir le cul dans un sofa, il avait répondu présent.

Oprah était bien l'une des seules à ne l'avoir déjà enterré, et à croire encore en ses capacités et sa jeunesse - parce que oui il est loin d'être vieux! -. Il ignorait si boire de l'alcool lui était interdit ou non, mais il comptait faire comme si cela faisait parti de son régime stricte. C'est donc à l'heure, aux alentours de 18h30, qu'il poussait la porte de leur petit bar habituel. Sur le dos, une simple et fine veste pour parer à la fraicheur de la soirée, mais en Californie, le froid, on ne connait pas vraiment.

« Salut toi, » Un large sourire se dessinant sur ses lèvres, il rejoint la jeune femme qui lui faisait de grands gestes au bar. De toute façon, il n'aurait certainement pas cherché ailleurs. Ils n'ont pas vraiment l'habitude de se prendre une table comme le ferait un parfait petit couple. « Comment tu vas ? »

« Bien mieux, surtout qu'on me prive de toute activité affriolante alors j'ai de l'énergie à revendre. Et toi ? »

Il prenait place sur le tabouret voisin, jetant un coup d’œil aux verres qui étaient servis devant elle. Visiblement du Whisky, et deux verres ? « C’est moi qui offre ce soir, qu’est-ce que tu prends ? » Donc deux verres rien que pour elle ? Arquant un sourcil, il reposait le vert de ses yeux sur les siens.

« Ça dépend, qu'est-ce qu'on noie ? »

Histoire qu'il sache s'il faut s'attaquer directement à de l'alcool fort, ou s'il peut commencer par une simple bière, son pêcher mignon en matière d'alcool. Heureusement que Teri n'est pas là, elle sortirait rapidement la feuille des menus à proscrire le temps de sa guérison, et même jusqu'à sa mort s'il voulait éloigner celle ci. Et quelque chose lui disait que l'alcool en faisait parti.

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C'est parti pour l'aventure

Anaheim

Scottish Pub

"- On va boire un verre ?" "- Tu veux pas plutôt aller en boire six chacun ?" - Joe